CONTRAT TACITEMENT RECONDUDUCTIBLE
POUR QUE LE CONTRAT SE RENOUVELLE AUTOMATIQUEMENT SUFFIT-IL D'ATTENDRE PASSIVEMENT ?
De nombreux contrats stipulent leur reconduction tacite, c'est à dire sans qu'il soit a priori besoin pour les parties de faire quoi que ce soit à leur échéance. La tacite reconduction est alors prévue au contrat ou dans les CGV comme un renouvellement automatique.
Pour autant, la reconduction est-elle réellement toujours automatique ?
Pour répondre à cette question, bien moins évidente qu'on ne le croit généralement, commençons par un bref rappel préalable de ce qu'est une tacite reconduction, au sens de la loi.
Nous examinerons ensuite quels en sont les pièges et comment les contourner.
1) Qu’est-ce qu’une tacite reconduction ?
Un contrat est conclu soit avec une durée déterminée soit à durée indéterminée.
Dans les contrats à durée déterminée, le principe est que celui-ci prend fin à l’arrivée du terme convenu.
Il peut toutefois être poursuivi de deux façons :
- soit par un renouvellement : cela résulte de la volonté expresse des deux parties ou de la loi (ex : baux d’habitation et baux commerciaux)
L’article 1214 du Code civil précise que « Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »
- soit par tacite reconduction, c’est-à-dire que le contrat se renouvelle automatiquement lors de la survenance du terme initial du contrat, sans action de l’une quelconque des parties.
L’article 1215 du code civil défini la tacite reconduction comme suit « Lorsqu'à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».
Il se peut qu’un contrat prévoit d’ores et déjà une clause de tacite reconduction du contrat, sur une période déterminée ou indéterminée, sauf dénonciation préalable par une partie.
Cette clause prévoit également généralement un délai restreint au cours duquel le cocontractant devra faire savoir s’il entend poursuivre ou non la relation contractuelle.
Cela permet donc au contrat de se renouveler automatiquement à l’issue du terme initial si aucune dénonciation du cocontractant, bénéficiaire du service, n’est réalisée.
Ainsi, beaucoup de professionnels pensent que le renouvellement de leur contrat est par avance garanti par une clause de renouvellement tacite. A l’arrivée du premier terme, ils s’empressent donc … de ne rien faire.
Ils ont tort.
Plutôt que d’attendre tranquillement le renouvellement tacite, les professionnels réalisant des prestations de service devront au contraire se montrer impérativement vigilants à l’approche du terme de leurs contrats prévoyant un renouvellement tacite.
Voici pourquoi :
2) Les limites à la tacite reconduction
a) L’absolue nécessité d’informer son cocontractant de la possibilité de rejeter la reconduction tacite du contrat
L’article L215-1 du code de la consommation vient strictement encadrer les effets de la tacite reconduction des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ou, entre un professionnel et un non professionnel.
Il est ainsi impératif d’informer le consommateur ou le non professionnel, par écrit (lettre recommandée ou mail), de la possibilité qui lui est offerte de refuser la reconduction du contrat en cours.
Le professionnel doit indiquer clairement la date limite à laquelle le cocontractant peut s’opposerà la reconduction du contrat.
Mais l’écrire dans le contrat ou les CGV ne suffit pas…
Le texte impose également au Professionnel prestataire de service, d’émettre ce courrier ou mail informatif au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant la fin de la période autorisant le rejet de la reconduction du contrat.
b) Les sanctions
Si aucune information n’est donnée au client ou si celle-ci ne respecte pas les délais légaux sus indiqués, la sanction est que le cocontractant peut mettre fin, à tout moment et gratuitement, au contrat à compter de la date de reconduction.
Autrement dit, en l’absence d’une telle information, le bénéfice de la tacite reconduction est perdu.
De plus, toutes les sommes versées d’avance depuis la dernière date de reconduction devront être remboursées dans un délai de 30 jours à compter de la résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu’à la résiliation, à l’exécution du contrat.
Ex : Un contrat de prestation de service est conclu le 1er janvier 2019 et se renouvelle tacitement tous les 1er janvier. Aucune information n’est donnée au client concernant la possibilité de dénoncer la reconduction tacite du contrat. Le client décide finalement de résilier ledit contrat le 1er juillet 2020. Le contrat sera automatiquement résilié et le professionnel devra rembourser les éventuelles sommes perçues d’avance et correspondant à des services qui devaient être exécutés à compter du 1er juillet 2020 jusqu’au 31 décembre 2020.
3) La notion de « non professionnel »
Cet article ne s’applique qu’aux contrats à durée déterminée et conclus entre un professionnel et un consommateur ou, un non professionnel.
Si le terme de consommateur ne pose pas de difficulté, que signifie cette notion de « non professionnel » ?
En effet, un consommateur est défini comme étant une personne physique agissant en dehors de son activité commerciale industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Un non professionnel se défini comme toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles.
La Cour de Cassation a précisé qu’il fallait apprécier la qualité de non professionnel au regard de l’activité de la société elle-même et non son représentant légal.
Une personne morale est non professionnelle si le contrat conclu n’a pas de rapport direct avec son activité professionnelle.
Cette notion n’est toutefois pas parfaitement limpide pour certaines situations et reste à l’appréciation des juges du fond, tout comme le caractère direct ou indirect du contrat avec l’activité de la personne morale.
Il est donc nécessaire de justifier de cette qualité.
Il est donc urgent de bien relire ses contrats et ses CGV et, surout, de programmer l’envoi d’une lettre d’information au consommateur ou au non professionnel dans les bons délais.
Thierry Ygouf
Avocat à la Cour