Flambée des matières premières: Comment y faire face et renégocier ses contrats? - Avocats experts en droit français et international à Paris et en Normandie

Flambée des matières premières: Comment y faire face et renégocier ses contrats?

 

 

 














HAUSSE DU COUT DES MATIERES PREMIERES => UN MOTIF DE RENEGOCIATION DES CONTRATS ? 

 

 

 

La reprise économique, permise par la fin progressive de la pandémie, a engendré une augmentation significative de la demande mondiale de matières premières, entrainant un fort déséquilibre entre l’offre, devenue insuffisante, et la demande, toujours plus importante.

 

Cette crise a, en outre, été récemment aggravée par la guerre en Ukraine. 

 

L’Europe importe, en effet, une grande partie de son pétrole et de son gaz de Russie. La crainte d’un embargo de l’Union Européenne sur les hydrocarbures et, d’un arrêt des livraisons par Moscou a donc fait flamber leur coût, d’autant que les autres gros producteurs ne se sont pas impliqués pour augmenter leur production et faire baisser les cours.

 

Les matières premières alimentaires sont, également, fortement impactées, la Russie et l’Ukraine étant de très importants exportateurs mondiaux de ces denrées. Il en est de même du marché des métaux et des semi-conducteurs.


Ces envolées engendrent en cascade l'augmentation brutale et très importante du coût de nombreux autres produits.

 

La combinaison de ces évènements a, ainsi, de graves répercussions sur les entreprises françaises, qui voient leurs coûts et leurs charges considérablement augmenter et, partant, leur équilibre économique menacé.

 

Comment les entreprises peuvent-elles faire face à l’envolée du cours des matières premières et de l’énergie ?

 

Pour faire face à l’augmentation des coûts des matières premières, les entreprises sont tentées d’augmenter leurs prix et de vouloir remettre en cause les contrats en cours. 

 

Est-ce juridiquement possible ?

 

Le droit français offre certains outils qu’il est fondamental de bien connaitre, tout autant que de prêter une attention particulière à la rédaction des contrats et des clauses qui y sont insérées.

 

 

 

A)  La théorie de l’imprévision

 

 

 

ð  Qu’est-ce que la théorie de l’imprévision ?

 

La théorie de l’imprévision est celle qui permet aux parties - et au juge - de réviser un contrat de longue durée, lorsque surviennent des évènements imprévisibles rendant son exécution plus onéreuse pour une des parties.

 

Le contrat devient donc déséquilibré au détriment d’une partie.


 

 

 

 

ð  A quels contrats cette théorie s’applique-t-elle ?

 

Depuis l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, le législateur a inséré la théorie de l’imprévision dans le Code Civil, posée à l’article 1195 dudit code. 

 

Cet article s’applique à l’ensemble des contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

 

Pour les contrats conclus avant cette date, la théorie de l’imprévision n’est pas applicable car, elle n’était pas reconnue par la législation et la jurisprudence française ni admise clairement par les tribunaux (notamment depuis un arrêt du 6 mars 1876, CANAL DE CRAPONNE, dans lequel la Cour de cassation avait refusé au juge la possibilité de réviser un contrat qui était librement accepté par les parties).

 

Seuls de rares arrêts isolés avaient ordonné une obligation de renégociation du contrat fondée :

 

- sur l’obligation de bonne foi des cocontractants (articles 1134 et 1135 anciens du code civil, nouvellement 1104 et 1193) 

 

- un arrêt du 29 Juin 2010 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation avait reconnu que lorsqu’est établi un bouleversement des circonstances économiques de nature à porter atteinte à l’équilibre contractuel, cela revient à priver de cause l’engagement du débiteur et justifie la mise à mal du contrat. La Haute juridiction ne se fonde plus sur la bonne foi comme dans les années 1990 mais sur la notion de cause.

 

Toutefois cet arrêt n’a jamais été renouvelé et n’évoquait qu’une caducité du contrat et non sa révision.

 

 

 

ð  Quelles sont les conditions pour faire réviser le contrat, en application de la théorie de l’imprévision ?

 

Les 3 conditions posées par la loi sont cumulatives.

 

Il faut :

 

1-   Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat

 

2-   Rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse

 

3-   Pour une partie qui n’avait pas accepté d’assumer le risque de survenance de l’évènement imprévisible

 

Si les conditions sont remplies, la partie victime peut demander à son cocontractant d réviser le contrat. Si les négociations n’aboutissent pas, les parties peuvent anéantir le contrat par elles-mêmes ou saisir le juge pour qu’il révise ou anéantisse le contrat.

 

Le juge peut donc modifier le contrat mais son appréciation de la situation restera subjective et incertaine.


 

 

ð  Application au COVID-19 et à la Guerre en Ukraine

 

Pour ce qui est du COVID-19, bien que d’autres épidémies aient été connues par le passé, de par son ampleur et ses conséquences économiques sans précédent, cette épidémie a généralement été jugée comme remplissant la condition d’imprévisibilité

 

En revanche, pour les contrats conclus après la survenance de l’épidémie et des mesures gouvernementales, la condition d’imprévisibilité ne sera nécessairement pas retenue puisque celles-ci étaient connues lors de la conclusion du contrat.

 

En ce qui concerne la guerre en Ukraine, il est pour l’heure difficile de savoir si les juridictions considèreront cette crise comme imprévisible. En effet, il est certain qu’à compter du 24 février 2022, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette guerre sera considérée comme prévisible pour les contrats conclus postérieurement à cette date, mais il est vrai que le conflit russo-ukrainien a commencé dès 2014 avec l’annexion de la péninsule de Crimée.

 

La condition de l’exécution excessivement onéreuse du contrat s’appréciera au cas par cas : il s’agira d’un déséquilibre majeur ou une disproportion manifeste entre les prestations entrainant une charge très importante pour l’une des parties, rendant ledit contrat pratiquement intenable pour la partie lésée (du fait de la modification de la valeur de la prestation ou des facultés du débiteur qui n’a plus les capacités de faire face au contrat).

 

Enfin les parties ne doivent pas avoir anticipé et assumé le risque encouru : souvent cela résultera de la façon dont les contrats seront rédigés :

 

En effet, le régime de l’imprévision peut être soit écarté par les parties (n’étant pas d’ordre public) soit aménagé par les parties dans le contrat et prévoir des cas d’exclusion (ce qui peut être le cas d’une pandémie ou d’une guerre).

 

 

 

Il est donc très important de vérifier(ou de faire vérifier)  le contenu des contrats signés.

 

 

 

Il est enfin primordial de préciser que, pour que la théorie de l’imprévision puisse être effective, les parties doivent continuer, dans l’attente d’un accord entre les parties ou de la décision du juge, d’honorer ses propres engagements.

 

 

 

B)  Les clauses pouvant être insérées dans les contrats

 

 

 

Pour palier aux insécurités de la théorie de l’imprévision, les parties peuvent recourir à la liberté contractuelle et négocier l’insertion de clauses dans les contrats.

 

Si vous êtes déjà titulaire d’un contrat dont le changement des circonstances économiques rend son exécution plus onéreuse du fait de l’augmentation des matières premières, il est impératif que vous l’analysiez et voir si une des clauses suivantes a été insérée. 

 

Si vous n’avez pas encore conclu de contrat, il peut être très intéressant d’insérer une de ces clauses.

 

 

 

1)   La clause de « hardship »

 

La clause dire de « hardship » est une clause stipulée dans un contrat, qui permet la renégociation de ce dernier, à l’initiative d’une ou de toutes les parties, quand un événement économique déstabilise gravement l’équilibre des prestations prévues au contrat.

 

Cette clause permet aux parties de déterminer précisément quand la renégociation pourra avoir lieu entre les parties et dans quelles conditions (ex : prévoir un seuil d’augmentation et/ou de diminution du prix des matières premières utilisées à partir duquel une renégociation des conditions tarifaires pourra être demandée).

 

Les parties pourront prévoir qu’à défaut d’accord, le juge pourra modifier ou résilier le contrat et/ou l’une des parties pourra dénoncer ledit contrat et y mettre fin.

 

Les parties peuvent donc choisir les délais de négociation et les modalités en cas d’échec des négociations.

 

Un délai peut être mis en place par cette clause pour fixer la durée de la renégociation ou la clause peut prévoir une suspension des obligations pendant la renégociation du contrat (contrairement à la théorie de l’imprévision).

 

Les parties peuvent enfin prévoir la mise en place de dommages et intérêts en cas de résiliation du contrat.

 

La clause de hardship permet donc véritablement d’aménager les conditions de l’imprévision posées à l’article 1195 du code civil.

 

 

 

2)   La clause d’indexation

 
 
 

Cette clause permet de faire varier le prix selon un indice convenu entre les parties. Cette clause permet de protéger les parties contre des augmentations ou diminutions imprévues et inconsidérées de leurs obligations.

 

L’ensemble des matières premières sont concernées par des indices qui leurs sont spécifiques.

 

L’indice choisi doit être suffisamment précis et avoir une relation directe avec l’objet du contrat ou avec l’activité d’une des parties.

 

L’indice choisi ne peut pas être le SMIC, l’inflation ou l’indice général des prix à la consommation avec ou hors tabac ni le niveau général des salaires.

 

La clause doit être réciproque, c’est-à-dire qu’il est impossible de prévoir que le prix ne sera révisé qu’à la hausse ou qu’à la baisse.

 

Elle permet aux parties de renégocier les contrats ou de procéder à une réévaluation automatique du prix.

 

 

 

 

 

3)   Clause de « Material Adverse Change » (MAC)

 

Ces clauses d’origine anglo-saxonnes sont principalement utilisées dans les opérations de fusions-acquisitions et permettent aux parties de se prémunir contre la survenance d’un aléa intervenant entre la signature du contrat (signing) et la réalisation de l’opération (closing).

 

Ces clauses doivent être rédigées de façon précise, le ou les évènements déclencheurs de la clause doivent être parfaitement bien explicités et déterminés et ne doivent pas dépendre totalement du bon vouloir d’une partie sous peine d’encourir l’interdiction de principe des clauses potestatives (1304-2 du code civil).

 

L’absence de précision entraînera le juge à se référer à ce qu’un créancier raisonnable, placé dans des circonstances similaires, pourrait considérer comme décisif, l’efficacité de la clause se trouvant ainsi affectée.

 

La clause peut prévoir les évènements concernés permettant de remettre ne cause le contrat ou même d’exclure précisément certains évènements (et prévoir par exemple que cet évènement est exclu sauf impact manifeste).

 

Cette clause permet donc à son bénéficiaire de se dédire complètement du contrat ou de le renégocier. 

 

Elle peut être beaucoup plus simple à mettre en œuvre car ne nécessite que la démonstration de la survenance de l’évènement décrit.

 

Ainsi il est tout à fait possible de prévoir qu’une pandémie ou une guerre serait ou ne serait pas un motif de révision ou de résiliation du contrat et éventuellement préciser que cet évènement aurait un impact que si celui-ci entraine des conséquences particulièrement disproportionnées pour l’une des parties.

 

 

 

ð  La liberté contractuelle reste votre principale alliée dans la survenance d’évènements pouvant gravement affecter votre activité économique. 

 

 

 

L’équipe de juristes et d’avocats de West Avocats est à votre totale disposition pour analyser avec vous la meilleure stratégie d’adaptation ou de renégociation de vos contrats.

 

Thierry Ygouf

 

Thierry.ygouf@west-avocats.fr


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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