SOCIETES - AG & CA A DISTANCE ? DECRYPTAGE DES MESURES D'URGENCE - Avocats experts en droit français et international à Paris et en Normandie

SOCIETES - AG & CA A DISTANCE ? DECRYPTAGE DES MESURES D'URGENCE

DECRYPTAGE DES MESURES D’URGENCE - Chronique II Droit des affaires 

 

Le 25 mars 2020, plusieurs ordonnances ont été publiées pour aider les entreprises dans leur fonctionnement eu égard aux circonstances exceptionnelles auxquelles nous faisons actuellement face :

 

  • Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 permettant un report des paiements des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises;
 
  • Ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 portant sur la création d'un fonds de solidarité;
 
  • Ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier;
 
  • Ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.

 

Ces ordonnances visent donc principalement des mesures afférentes au droit des sociétés et notamment à la tenue des assemblées générales (I) mais également l’octroi d’aides financières pour surmonter la crise actuelle (II).

 

 

I LE DROIT DES SOCIETES

 

    A. Adaptations des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.

 

Depuis que le gouvernement a imposé des mesures de confinement pour lutter contre le COVID-19 depuis le 12 mars dernier, se pose la question de la tenue des assemblées générales, notamment les assemblées concernant l’approbation des comptes.

 

En effet, alors que la majorité des sociétés clôturent leur exercice social au 31 décembre de chaque année, les assemblées générales doivent se tenir dans les 6 mois qui suivent soit au plus tard le 30 juin 2020 pour l’exercice 2019.

 

Quid de la tenue de ces assemblées générales du fait du confinement ?

 

L’ordonnance a pour objectif de répondre à ces interrogations et adapte les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé afin de leur permettre de continuer d’exercer leurs missions malgré les mesures prises pour limiter la propagation du covid-19 et ainsi d’assurer la continuité du fonctionnement de ces groupements.

 

Elle est applicable rétroactivement depuis le 12 mars dernier et a minima jusqu’au 31 juillet prochain. Elle ne pourra s’étendre au-delà du 30 novembre 2020.

 

Un décret à paraître précisera les conditions d’application de l’ordonnance.

 

  • Champ d’application :

Toutes les assemblées et tous les organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction (conseils d’administration, de surveillance, directoires …)

 

Pour :

 

    • Toutes les personnes morales de droit privé (sociétés civiles et commerciales, coopératives, associations)
    • Les entités dépourvues de personnalité morale (sociétés créées de fait, associations non déclarées, sociétés en participation …) de droit privé


  • Règles de convocation et d’information :

    • Pour seules les sociétés cotées, la convocation de l’assemblée des actionnaires devra se faire par voie postale. Cependant, aucune nullité ne sera encourue si la convocation n’a pas été faite par voie postale en raison de circonstances extérieures à la société (ex : la Poste ne fonctionne pas).
 
    • Pour l’ensemble des sociétés, possibilité de communiquer tout document ou information aux actionnaires préalablement à la tenue de l’assemblée par mail, si indication par l’actionnaire concerné de l’adresse mail sur laquelle il devra recevoir ce document.

 

  • Règles de participation et de délibération
 

Possibilité de tenir les assemblées à huis clos, si le lieu de l’assemblée est concerné par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements de personnes pour des raisons sanitaires. 

 

    • Les assemblées pourront se tenir par téléphone ou par visioconférence, sans la présence physiques des membres du groupement (ou de toute autre personne telles que les commissaires aux comptes) sur décision de l’organe compétent.
 
    • Les membres conservent leur droit de vote et pourront avoir recours  à l’envoi d’un pouvoir, au vote à distance ou, si acceptation de l’organe compétent à la visioconférence ou conférence téléphonique.
 
    • Information par tout moyen des membres et intervenants des modalités de participation et de délibération. 
 
    • Extension à toutes les hypothèses de la participation aux AG par visioconférence, même si la loi ne le prévoit pas ou même en cas de clause contraire des statuts. Elle doit permettre l’identification des membres participants qui compteront par ailleurs pour le quorum. La visioconférence reste une faculté et ne peut être mise en œuvre que si le groupement dispose de moyens techniques adéquats.
 
    • Si la loi le permet, les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation écrite des membres même en cas de clause contraire des statuts.
 
    • Si les assemblées ont été convoquées avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’organe compétent qui décide de tenir une assemblée hors la présence des membres ou par visioconférence, conférence téléphonique ou consultation écrite, informe par tous moyens ses membres (par communiqué pour sociétés cotées). 

 

Les actes déjà réalisés n’ont pas à être refaits. 

 

  • Règles concernant les organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction :

    • Extension de la visioconférence et télécommunication ainsi que des consultations écrites pour l’ensemble des réunions même si non prévu par la loi ou en cas de clause contraire des statuts. Les participants doivent pouvoir être identifiés et les moyens techniques doivent être adéquats pour garantir leur participation.

 

 

    B. Délais pour les documents que les personnes morales, et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé, sont tenues de déposer ou de publier

 

Prorogation de 3 mois les délais suivants :

 

  • Délais d’approbation des comptes lorsque les comptes n’ont pas été approuvés au 12 mars 2020. Les délais sont donc exceptionnellement de 9 mois à compter de la clôture de l’exercice social (6 mois + 3 mois).
 
  • Les articles L225-100 et L225-68 du code de commerce : dans les SA, le directoire a normalement un délai de 3 mois pour présenter au conseil de surveillance les comptes annuels, le cas échéant les comptes consolidés, le rapport de gestion et le rapport au conseil de surveillance. Il dispose ainsi d’un délai de 6 mois.
 

Exception : pas de prorogation si le commissaire aux comptes a déposé son rapport avant le 12 mars 2020.

 

  • L’article L237-25 du code de commerce prévoit un délai de 3 mois à compter de la clôture de l’exercice pour le liquidateur d’une société en liquidation pour établir les comptes annuels au vu de l'inventaire qu'il a dressé des divers éléments de l'actif et du passif existant à cette date et un rapport écrit par lequel il rend compte des opérations de liquidation au cours de l'exercice écoulé.
 
  • La loi 2000-321 du 12 avril 2000 sur les bénéficiaires de subvention publique prévoit un délai de 6 mois aux organismes de droit privé bénéficiaires pour produire le compte rendu financier, à compter de la fin de l'exercice pour lequel cette subvention a été attribuée. Elle s’applique aussi aux organismes bénéficiaires de subventions versées par les administrations de l'Etat et leurs établissements publics en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

 

Sont prorogés de 2 mois les délais suivants :

 

  • L’établissement par le directoire, conseil d’administration ou gérants de sociétés, dans les sociétés de plus de 300 salariés et ayant un chiffre d’affaires net d’au moins 18 millions d’euros, de la situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible, du compte de résultat prévisionnel, du tableau de financement et du plan de financement prévisionnel prévus aux articles L232-2 et R232-3 du code de commerce.

 

Toutes ces dispositions sont applicables aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

 

 

II AIDES FINANCIERES ACCORDEES AUX ENTREPRISES

 

    A. Création d’un fonds de solidarité


Ce dispositif de solidarité complète les dispositifs (tels que l’activité partielle, l’octroi de délais de paiement des charges fiscales et sociales ou les remises d’impôts) qui peuvent s’appliquer en fonction des situations individuelles.

 

Cette ordonnance n’est pas très précise car un décret devra paraitre pour fixer les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, leur montant et les conditions de gestion du fonds.

 

Ce fonds aura une durée de 3 mois renouvelable d’au plus 3 mois, et versera une aide financière aux entreprises et personnes physiques de droit privé dont l’activité est économique est particulièrement touchée par cette épidémie du COVID-19 et les mesures en résultant.

 

Ce fonds sera financé par l’Etat et, sur volontariat, par les collectivités locales.

 

 

    B. Aménagements relatifs au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises


Ces mesures sont applicables pour les entreprises et personnes physiques particulièrement atteintes économiquement par l’épidémie du COVID-19 et donc éligibles au fonds de solidarité précité donc les conditions seront précisées ultérieurement par décret.

 

Cette ordonnance permettra :

 

  • Energies (gaz, électricité, eau)
 
    • L’interdiction de toute coupure d’électricité, de gaz et d’eau à compter du 25 mars 2020 jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
 
    • Possibilité de demander un échelonnement des factures correspondantes, exigibles au cours de la période précitée et sans pénalités avec un report réparti à parts égales sur les factures des 6 prochains mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
 
  • Loyers professionnels et commerciaux

    • Interdiction de toute application de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
 

Pour ce qui est des particuliers, je précise que l’ordonnance N°2020-331 du 25 mars 2020 statuant en matière de trêve hivernale reporte du 31 mars au 31 mai 2020 la fin de la période durant laquelle les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles.

 

Cette même ordonnance reporte également du 31 mars au 31 mai 2020 toute mesure d'expulsion non exécutée, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.

 

Si vous avez des interrogations sur l’application de ces dispositions, appelez ou écrivez moi.

 

Bon courage à tous !

 

Thierry Ygouf

Avocat à la Cour

 

thierry.ygouf@west-avocats.fr

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